Catherine Vialle, Jacques Matthey, Marie-Hélène Robert, Gilles Vidal (sous dir.), “Sagesse Biblique et Mission”

The Abstract

Catherine Vialle, Jacques Matthey, Marie-Hélène Robert, Gilles Vidal (sous dir.), Sagesse Biblique et Mission, Éditions du Cerf, Paris, 2016, 278 pp. 30 €. ISBN : 9782204105637. Sagesse Biblique et Mission contient les actes du colloque œcuménique de missiologie du même nom. Ce dernier a été organisé par l’AFOM et s’est tenu en mai 2014 à l’université […]

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Book review by Thierry Seewald

Catherine Vialle, Jacques Matthey, Marie-Hélène Robert, Gilles Vidal (sous dir.), Sagesse Biblique et Mission, Éditions du Cerf, Paris, 2016, 278 pp. 30 €. ISBN : 9782204105637.

Sagesse Biblique et Mission contient les actes du colloque œcuménique de missiologie du même nom. Ce dernier a été organisé par l’AFOM et s’est tenu en mai 2014 à l’université catholique de Lille.

Il contient dix-sept articles auxquels s’ajoutent une préface et une relecture. Les auteurs proviennent aussi bien de la théologie biblique vétéro- et néo-testamentaires que de la systématique, la missiologie, voire même la philosophie.

Les articles sont regroupés en trois parties : sagesse biblique et sagesse des nations, figures de la sagesse biblique et missiologie de la sagesse.

La première partie regroupe des articles qui font entrer en dialogue sagesse biblique, sagesse des nations et mission. On y étudie par exemple les traces supposées ou avérées de sagesse des nations dans le matériau biblique (par ex. Job et Pr), la confrontation entre ces deux sagesses (Ac 17), les diverses manières dont les missionnaires ont appréhendé les sagesses locales, notamment en Océanie, ou les nouvelles sagesses qui émergent de la confrontation entre sagesse ancienne et évangile.

La seconde partie concerne des figures de la sagesse biblique. Elle contient des articles concernant certains sages de l’Ancien Testament (par ex. Salomon, Joseph), mais aussi un article sur Jésus, qui se révèle Sagesse en mission en Matthieu 11 et deux consacrés aux réflexions de Paul concernant la sagesse de Dieu (notamment en 1 Corinthiens et Colossiens), qui met en échec les sagesses humaines, devenues folie en comparaison. Il contient également deux articles stimulants l’un sur la sagesse biblique elle-même, l’autre sur la remise en cause par certains livres bibliques (c.-à-d. Job et Qohélet) d’une sagesse traditionnelle, montrant par là que contrairement à la révélation qui est donnée/reçue, la sagesse, confrontée au réel, se construit, parfois de manière dialectique, même si l’Esprit et sources des deux (sagesse et révélation) et les nourrit.

La dernière partie contient trois apports missiologiques, des points de vue œcuménique, orthodoxe et catholique sur la place et l’apport de la sagesse1 dans le travail missionnaire perçu à partir de ces trois traditions.

L’apport des articles au thème de l’ouvrage nous paraît inégal et pour certains peu pertinents. On se demande en particulier en quoi la déconstruction de l’image biblique de Salomon comme figure de sagesse nourrit la réflexion missiologique2.

On regrettera surtout que contrairement à Frédéric Rognon qui dans son intervention sur « Sagesse des peuples et universalité du salut » tient à honorer les deux pôles de son intitulé et travaille en particulier sur le « et » de la formulation3, une partie importante des auteurs soient restés cantonnés dans leur domaine d’expertise, sans vraiment faire droit à l’autre pendant du colloque.

L’article de Françoise Mies, « Qu’est-ce que la sagesse »4 est particulièrement interpellant. Celui-ci part de la distinction que fait le Père Adolfo Nicolás, de trois types de langages dans l’Ancien Testament : le langage historique, le langage prophétique et le langage de la sagesse qui émerge quand l’évidence de la foi est tombée. Constatant qu’en Europe et en Occident le langage prophétique n’est plus adapté parce qu’il n’y a plus de foi à purifier, il introduit le langage de la sagesse comme un message qui fait sens autant pour les croyants que pour les non-croyants ; peut-être le langage qui émerge pour les frontières dans le monde d’aujourd’hui, qui « permet de chercher Dieu en toute chose, dans le quotidien de la vie et ses expériences fondamentales, mais aussi de se tenir aux frontières des cultures, pour échanger en profondeur »5. Ou ainsi que le dit Michel Mallèvre dans sa préface : « les textes sapientiaux de l’Ancien et du Nouveau Testament témoignent d’un art de vivre et d’un dialogue avec d’autres cultures qui peuvent nous éclairer dans la mise en œuvre de notre responsabilité d’annoncer le royaume de Dieu. »6

Même si cela ne simplifie pas toujours le propos et donne un certain flou concernant la sagesse abordée, il se tisse aussi au fil de l’ouvrage un dialogue entre les différents types de sagesse7 : sagesses des nations, enseignement sapiential biblique, la Sagesse personnifiée de Proverbes 8 et Christ, Sagesse de Dieu. Comment l’enseignement sapiential biblique découle-t-il de la Sagesse ? Cette Sagesse8 est-elle présente dans les sagesses des nations anté-missionnaires ? Quelle sagesse nouvelle découle de la confrontation en mission enseignement sapiential biblique et sagesse d’une nation ? Quel est le statut de cette sagesse nouvelle ? Autant de pistes lancées, qui stimulent la réflexion, avec des tentatives de réponses apportées par l’ouvrage, mais aussi un encouragement à étudier ces nouvelles sagesses pour formuler nos propres évaluations.

On notera aussi la belle typologie comparative du missionnaire et du sage, faite par Jean-François Zorn dans sa relecture finale9, soulignant dans l’introduction à cette typologie qu’un engagement missionnaire équilibré devrait laisser une place à une part sapientiale dans le vécu du ministère.

On pourra se réjouir que depuis quelques années la théologie se réapproprie et retravaille la question missiologique, et le présent ouvrage est dans cette lignée. C’est pourquoi il faudra plutôt voir cet ouvrage comme un travail préliminaire de défrichage du terrain, mais nécessitant par la suite un vrai travail d’articulation des notions puis orienté vers la pratique, qu’un ouvrage directement utilisable en missiologie et à fortiori pour le travail missionnaire lui-même.

Thierry Seewald, aumônerie pour personnes handicapées mentales et psychiques à l’AEDE, Seine-et-Marne (77), France, membre de l’Église protestante mennonite de Villeuve-le-Comte.

Footnotes

1

Sagesse avec un grand « S » pour l’apport orthodoxe.

2

Dany Nocquet, « Salomon le roi sage : de la tradition à la légende », p. 123-142.

3

p. 61.

4

p. 97-121.

5

p. 97.

6

p. 19.

7

Michel Mallèvre évoque cette question dès la préface (p. 8) : « la Sagesse biblique demeure difficile à cerner, tant dans un corpus délimité que dans ses rapports avec d’autres cultures ou encore dans la spécificité de son apport au sein de la révélation ».

8

L’ambiguïté entre Sagesse personnifiée et Sagesse incarnée est volontaire dans ce propos.

9

p. 246.